Revue transatlantique | 8 avril 2021
Relance : "Jobs plan" • R&D • Tout électrique • Fiscalité • Amazon • Autonomie stratégique des États-Unis
Bonjour et bienvenue dans la Revue transatlantique, la newsletter bi-mensuelle qui offre un condensé d’informations utiles, et venues d’Amérique. Cette semaine, nous vous proposons des focus sur plusieurs aspects du plan de relance américain. Bonne lecture !
RELANCE — L’American Jobs Plan, un véritable New Deal
par Marceline Doucet
Mercredi 31 mars à Pittsburgh, le Président Biden a présenté son nouveau plan de relance, l’American Jobs Plan. Son enveloppe budgétaire de plus de 2.000 milliards de dollars est destinée à financer des investissements dans les infrastructures et la transition énergétique. Ce programme fait suite au formidable plan de relance de 1.900 milliards voté par le congrès américain le 6 mars pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Alors que ce dernier mobilise plus de 10% du PIB des États-Unis pour soutenir la demande à travers la consommation, le nouveau plan d’investissement vise à stimuler l’offre. Biden propose de dédier 650 milliards à la construction et la modernisation de bâtiments selon des normes écologiques; 621 milliards aux transports et à l’infrastructure; 580 milliards à la recherche, au développement et aux investissements industriels dans les énergies renouvelables; et enfin 400 milliards à la prise en charge de personnes âgées et handicapées et de leurs soignants. Ce plan diversifié vise à cibler de manière précise des leviers de croissance, en particulier dans la recherche et l’innovation verte. L’objectif de Biden est simple: créer des emplois et rendre les États-Unis plus compétitifs face à la Chine à travers des investissements massifs dans la transition énergétique.
Selon Joe Biden, ce plan d’infrastructure est “l’investissement d’une génération”. Le programme de dépense publique renoue avec la tradition des New Deal de Roosevelt dans les années 1930 ou encore de la Great Society du Président Johnson dans les années 1960. Plus récemment, les gouvernements d’Obama puis de Trump s’étaient attelés à la tâche de proposer des plans d'infrastructure. Aucun n’avait réussi à obtenir un consensus bipartisan, notamment à cause des modalités de financement d’un tel projet. Face au Jobs Plan porté par Biden aujourd’hui, les républicains critiquent l’augmentation des impôts de 28% pour les entreprises et la hausse de la dette nationale. À Wall Street, le plan d’investissement a pourtant été bien reçu. L’ambition du gouvernement Biden, qui prévoit d'investir jusqu’à 4 000 milliards au total dans son Jobs Plan, rassure les investisseurs. Les marchés se réjouissent des mesures monétaires associées à ce plan de relance: la Réserve fédérale a indiqué qu’elle n’augmenterait pas les taux d'intérêts si l’inflation dépassait le seuil de 2%.
Face aux sommes mises en jeu par les États-Unis, le plan de relance de 750 milliards de l’Union Européenne est-il toujours à la hauteur? Il incombe aujourd’hui aux gouvernements européens de relancer par eux-mêmes leurs économies malgré leur propre endettement et les incertitudes quant au caractère contraignant des règles budgétaires européennes. Pour aider les États à piloter la situation, l’Union européenne doit impérativement s’accorder rapidement sur l’avenir de ses règles budgétaires qui ont été mises en suspens depuis le début de la pandémie. Pour autant, l’Europe a intérêt à s’inspirer des États-Unis et continuer d’investir dans sa relance, sans quoi elle risque de revivre la stagnation qu’elle a connu suite à la crise financière de 2008, due à sa politique d’austérité trop hâtive.
RELANCE — Géopolitique de la R&D
par Gauthier Lemoine
Avec 58 990 demandes, la Chine est devenue le principal déposant de brevets internationaux en 2019, un seuil qui marque le déplacement du centre mondial de l’innovation depuis les États-Unis vers l'Extrême Orient. Parallèlement à ce déclassement, la pénurie actuelle de puces informatiques aux États-Unis, qui a conduit à l'arrêt temporaire des lignes de production des constructeurs américains automobiles, a réveillé la peur chronique de la décadence industrielle des États-Unis. En effet, depuis la présidence Reagan, les secteurs de l’innovation et de la production de biens aux états-Unis ont été mis à mal par la forte concurrence asiatique, entre vols de recherches et délocalisations. Dans ce contexte, le plan de relance du gouvernement Biden, qui attribue plus d’1% du PIB par an pendant 8 ans au chevet de l’infrastructure, l’industrie et la recherche américaine, est un pas historique pour l'économie américaine. Mais que contient exactement ce plan pour les cerveaux et cols bleus américains?
Des 480 milliards de dollars qui vont être investis spécifiquement dans la R&D, 165 milliards sont répartis par technologie dans les puces électroniques (50), les super-calculateurs et ordinateurs quantiques (40), la science du climat (35), la prévention des pandémies (30), le stockage et la génération d'électricité. Le reste sera notamment utilisé pour faciliter l'accès au capital des innovateurs au sein des infrastructures de recherches, dont la moitié pour des “Historically Black Colleges and Universities.”
Outre ces chiffres mirobolants, ce plan a un aspect étonnamment politique:
Alors que le développement d’une usine de puce informatique et de ses procédés industriels requiert plusieurs années, cette dot de 50 milliards dans ce secteur est-elle simplement un cri dans le vide face aux fournisseurs asiatiques, qui provoquent une pénurie temporaire de pièces à $2, causant des arrêts de lignes de production de produits finis à 80.000 dollars aux Etats-Unis? L’adoption simultanée d’un budget par l’Union estimé à $60 milliards par les ministres allemand et français de l'Economie Peter Altmaier et Bruno Le Maire lors d’un panel le 3 février 2021 ne peut pousser ce secteur clef qu'à un surplus à moyen-terme. Une telle situation, comme l’indique la Fraunhofer IMW, spécialiste européen des puces, préfigure une mort lente de ces nouvelles usines occidentales peu compétitives face aux compagnies asiatiques, dont le leader TSMC détient le savoir-faire industriel et surtout la majorité des brevets.
Après l’annonce en Décembre 2020 d’un ordinateur Chinois 10 milliards de fois plus puissants que Synacore, le champion américain des ordinateurs, poulain de Google, et l’annonce par Xi Jinping d’une enveloppe de 10 milliards dans les ordinateurs et la communication quantique, la suprématie quantiques et la bataille des petaflops (1,4 x10^15 de calculs par secondes) est un nouveau symbole de cette concurrence sino-américaine, comme indiqué lors de la dernière conférence de presse du président Biden. Dans cette bataille, l’Union européenne risque le megaflop (qui cette fois-ci ne s’entend pas comme une unité de calcul). Ces ordinateurs permettent entre autres la modélisation des interactions entre protéines, la création de nouveaux matériaux et médicaments, des prédictions météorologiques affinées etc.
Un investissement notable dans la recherche pour le développement de l’hydrogène et de la récupération des métaux rares dans les chaînes de production répondent point pour point au Hydrogen Road Map Europe et au Critical Raw Material Action Plan présenté par la Commission européenne en 2020. Ces investissements à long terme doivent certes verdir l'économie américaine, mais ils permettront aussi de maintenir des subventions importantes à Boeing dans sa quête du “sustainable fuel” contre Airbus, et assurent un approvisionnement en matériaux rares essentiels à l'industrie technologique.
Ce plan pour la recherche dessiné par l’administration Biden fait donc écho point pour point aux plans de recherches européens et chinois, et s’inscrit dans un contexte de compétition industrielle et matérielle mondiale.
RELANCE — L’ambiance est électrique
par Thibault Genouville
Un “investissement inédit dans l’Amérique”. C’est en ces termes audacieux que le président américain Joe Biden a dévoilé mercredi dernier les grandes lignes de son projet de modernisation des infrastructures de transport nationales. Au cœur de ce plan, la place accordée au sujet de l’électrique ne laisse aucun doute. En investissant 174 milliards de dollars dans le secteur des véhicules électriques, le successeur de Donald Trump souhaite marquer l’entrée des Etats-Unis dans une course mondiale vers le tout-électrique qui est lancée depuis plusieurs années.
Plusieurs pays ont déjà pris conscience de l’importance de cette transition pour le climat, ainsi que de l’opportunité économique qu’elle constitue. La Chine produit actuellement 47% des véhicules électriques mondiaux et continue d’investir massivement dans ce secteur qu’elle juge porteur, comme le soulignent les parcours boursiers des néo-constructeurs Nio, Li et Xpeng dont les valorisations ont connu un bond exponentiel en un an. La Norvège fait également partie du peloton de tête dans cette transition puisque plus de la moitié des véhicules qui y ont été commercialisés dans les 12 derniers mois étaient électriques contre seulement 2% aux Etats-Unis. Alors que l’on compte 1,8 millions de voitures électriques et 100 000 chargeurs en circulation sur le territoire national, l’ambition affichée par le président élu est d’atteindre une flotte de 35 millions de véhicules et de 500 000 chargeurs d’ici à 2035. Et d’après les premières annonces, les Etats-Unis comptent se donner les moyens de leur ambition.
Les détails du plan mettent en lumière des investissements sur l’intégralité de la chaîne de valeur. Au niveau des constructeurs et des fournisseurs de matières premières, l’ambition première est de moderniser la chaîne de production en dotant les usines américaines de matériaux dernière génération destinés à la conception de voitures et batteries 100% électriques. Mis à part l’exception Tesla, les constructeurs américains, en retard sur ces sujets d’émission de carbone par rapport à leurs compétiteurs internationaux, n’auront d’autre choix que de se mettre au goût du jour, dopés par les investissements publics et les incitations fiscales inhérentes au plan de transformation. General Motors vise un niveau zéro d’émission en 2035 alors que Ford prévoit de doubler ses investissements dans les véhicules et les infrastructures de chargement d’ici à 2030. Afin d’adapter les infrastructures de réseaux routiers à l’arrivée de l’électrique, Joe Biden entend doter les Etats-Unis de 500 000 bornes de recharge (contre seulement 100 000 aujourd’hui) à destination des futurs véhicules électriques. Si la volonté de modernisation des infrastructures, réseaux et véhicules ne fait aucun doute, il faudra toutefois s’assurer de convaincre les 227 millions conducteurs de véhicules diesel ou essence américains de la pertinence de cette transition.
Pour faire de ce plan un succès et réussir le double pari de la réussite écologique, en réduisant les émissions de carbone liées aux transports, et économique, en comblant le retard des Etats-Unis sur le marché des véhicules électriques, les pouvoirs publics n’auront d’autre choix que d’inciter les consommateurs à délaisser leurs moteurs traditionnels pour des batteries électriques. Les statistiques actuelles montrent clairement que compter sur les consciences individuelles ne sera malheureusement pas suffisant pour réussir cette transition. Une partie des 174 milliards de dollars prévus dans le cadre de ce plan est également destinée aux consommateurs finaux. Les États-Unis compte ainsi mettre en place un schéma global d’incitations fiscales, soit directe via des subventions et des réductions sur l’achat véhicules électriques, soit indirecte à travers des crédits d’impôts. Prendre en compte les nécessité du marché à court terme en rendant accessible l’achat de ces véhicules technologiques semble nécessaire pour faciliter l’évolution des mœurs des 98% de la population encore attachés à l’utilisation de véhicules traditionnels. Et pour atteindre l’ambition fixée par Joe Biden d’une empreinte carbone égale à zéro en 2050.
RELANCE — Just a few bucks
par Leo Amsellem
À l’instar de « Joe », personnage de western de Sergio Leone incarné par Clint Eastwood, le président Biden dérange l’ordre établi aux États-Unis; en proposant un grand chambardement fiscal. La poignée – de milliards – de dollars recouvrés permettrait de financer entièrement les ambitieuses (ou dispendieuses, selon ses contempteurs) dépenses du plan d’investissement dans les infrastructures de 2 250 milliards de dollars annoncé récemment. En rehaussant la fiscalité sur les entreprises (notamment à l’étranger) et les ménages favorisés, Biden rompt avec une tendance globale à l’allégement de la fiscalité sur les sociétés qui prévaut depuis l’ère Thatcher-Reagan.
Les principales mesures de ce plan consistent à taxer les bénéfices des entreprises américaines à l’étranger, et à augmenter la fiscalité des entreprises sur le territoire américain, qui passerait de 21% à 28% (pour rappel, ce taux avait chuté de 35% à 21% avec la réforme fiscale de D. Trump en 2017). Cette évolution s’accompagne d’une promesse de suppression des nombreux crédits d’impôts et dépenses fiscales en faveur des industries fossiles. Le président propose également d’augmenter la fiscalité sur les ménages les plus aisés, en promettant qu’aucune modification n’interviendrait pour les contribuables dont les revenus s’élèvent à moins de 400 000 dollars par an. Une information ayant suscité une certaine incompréhension et nécessité l’intervention de la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki, précisant que cette mesure s’appliquerait au revenu d’un ménage et non d’un individu. Le taux marginal supérieur, qui passerait de 37% à 39,6%, assurerait un effet redistributif important d’après une étude du Tax Policy Center. Cette grande réforme fiscale soulève le risque d’obérer la compétitivité des entreprises américaines, à l’heure où l’attention est portée sur les relocalisation et le Build Back Better de Joe Biden. Ce dernier risque de s’aliéner les milieux d’affaires, très influents à Washington. Ces derniers appellent à tempérer la réforme fiscale, qui viendrait selon eux frapper des entreprises déjà en difficulté suite à la pandémie et soumises à une intense concurrence internationale.
Qu’à cela ne tienne : l’administration américaine a, par la voix de sa Secrétaire au Trésor Janet Yellen, proposé de définir une taxation globale minimale des entreprises, afin de préserver le « level playing ground » et la saine concurrence. Ce volontarisme politique pourrait considérablement relancer les négociations « BEPS » de l’OCDE, ensablées depuis des années. Une annonce immédiatement saluée par le ministre allemand des Finances Olaf Scholz, qui y voit la première amorce d’une résolution du dumping fiscal international, et son homologue français Bruno Le Maire. Il convient aussi de rappeler que les États-Unis sont soumis à une pression importante avec la publication d’un rapport de l’Institute for Taxation and Economic Policy révélant que 55 des plus grandes compagnies américaines ayant dégagé un profit en 2020 ont acquitté 0 dollar d’impôts.
AMAZON — Séisme pour le colosse de l'économie mondiale
par Paul-Angelo dell’Isola
5 600 salariés d’Amazon se sont prononcés la semaine dernière sur la formation d’une section syndicale dans l'entrepôt de Bessemer dans l’Alabama. Si les résultats du vote sont encore attendus, l’organisation du référendum est un vrai séisme pour Amazon qui n’a jamais toléré de formations syndicales en son sein aux Etats-Unis. Un séisme qui ouvre une brèche pour ce colosse aux pieds d’argile tant l’affaire a reçu une attention médiatique aux conséquences politiques incertaines.
L’initiative de syndicalisation du site de Bessemer reflète le malaise de certains employés à l'égard des cadences soutenues de travail et notamment de la surveillance des pauses. Selon le New York Times, la mentalité start-up d’Amazon que ses dirigeants appellent “Day 1” se traduit par exemple par le suivi automatique du time off task, le temps passé par un employé en dehors de son poste de travail. Conséquence malsaine de ce système de surveillance selon certains, l’entreprise aurait demandé aux employés de limiter la durée de leur pause toilettes, forçant certains à uriner dans des bouteilles pour ne pas perdre leur emploi. Amazon se défend en arguant que le salaire horaire de 15,30 dollars de ses employés représente plus du double du salaire minimum fédéral et que sa couverture de l’assurance maladie est très généreuse. Mais la bataille d’Amazon contre les syndicats ne s'arrête pas à ces déclarations. L’entreprise mène apparemment une campagne agressive de relations publiques en engageant des analystes pour espionner les syndicats et des ambassadeurs sur les réseaux sociaux, une campagne intitulée Veritas. Quoiqu’il en soit, elle ne se montre pas clémente à l'égard des personnalités politiques qui apporteraient leur soutien aux efforts syndicats. Amazon a multiplié les tirades contre les sénateurs Bernie Sanders et Elizabeth Warren, et a même dû présenter ses excuses au représentant Mark Pocan après un tweet virulent.
Un fiasco de relations publiques qui pourrait coûter cher à l'entreprise de Jeff Bezos, ayant profité de la pandémie, avec des des ventes en hausse de 38%. Les soutiens aux employés d’Amazon viennent d’ailleurs des deux bords de l'échiquier politique américain. Joe Biden et le sénateur conservateur Marco Rubio ont chacun exprimé leur soutien. Nombreux aussi sont ceux qui voient le mouvement syndical au sein d’Amazon comme la conjonction des luttes pour les droits civiques et sociaux dans le Sud. Cette initiative intervient surtout alors même que la chambre des représentants a adopté le projet de loi Protecting the Right to Organize Acten février dernier, un texte devant permettre entre autres de sanctionner les entreprises qui intimident les efforts de syndicalisation.
AUTONOMIE STRATÉGIQUE AMÉRICAINE — Biden va-t-il rompre avec la politique du America First ?
par Gabriele Buontempo
« Nous ne devrions pas dépendre des pays étrangers, en particulier s’ils ne partagent pas nos intérêts ou nos valeurs ». Avec cette déclaration nette, le Président Biden a présenté, le 24 février dernier, un ordre exécutif ayant pour but de « renforcer la résilience des chaînes de valeur Américaines ». À première vue, cette mesure répond aux nombreuses inquiétudes qui ont émergé outre-Atlantique au printemps 2020, lorsque les personnels hospitaliers se sont retrouvés face à une pénurie de blouses, de gants et de masques en pleine pandémie. Ainsi, le Président a ordonné aux services fédéraux de réaliser, dans les 100 prochains jours, une revue stratégique ayant pour but d’identifier, pour de nombreux secteurs, les risques causés par la dépendance des importations.
La mesure semble toutefois aller bien au-delà d’un simple rétablissement de l’indépendance dans la production de gants et de masques chirurgicaux. En effet, l’ordre exécutif identifie de nombreux secteurs concernés. En particulier, le domaine des semi-conducteurs, celui des batteries à haute capacité (indispensables pour la production des voitures électriques), celui des minéraux et des matériaux rares ainsi que celui des médicaments et des ingrédients pharmaceutiques. Le même ordre a également disposé d’organiser, d’ici un an, une revue de l’indépendance stratégique dans les secteurs de la défense, des télécommunications, des transports, de l’énergie et de l’agriculture. Pour comprendre l’ampleur de l’enjeu, il suffit de penser qu’à l’échelle mondiale le marché étatsunien représente 47% des ventes de semi-conducteurs mais uniquement 12% de leur production (contre 37% il y a trente ans). Les conséquences d’un tel déséquilibre sont d’autant plus visibles alors que le monde entier connaît une pénurie sans précédent de ces puces électroniques qui sont désormais indispensables et omniprésentes dans notre quotidien. C’est pourquoi, dans le cadre du plan d’investissement d’infrastructure, l’administration américaine prévoit une enveloppe de 50 milliards de dollars afin d’amplifier la capacité productive domestique de ce secteur industriel.
C’est bien la portée aussi vaste de cette mesure qui a surpris de nombreux observateurs. Notamment ceux qui anticipaient une rupture totale de Biden avec l’« America first ! » de l’ère Trump et qui avaient déjà été étonnés par les premières mesures commerciales du nouveau Président. En effet, les voisins Canadiens ainsi que les Européens s’étaient déjà froissés lorsque Biden avait signé un autre ordre exécutif, en janvier, qui visait à encourager le « Buy American », en mettant ainsi des barrières à l’approvisionnement du gouvernement étatsunien auprès d’entreprises étrangères.
En réalité, une lecture attentive des secteurs concernés ainsi que des nombreuses déclarations, plus ou moins fuitées par les collaborateurs de Biden, laisse entendre qu’il y a un partenaire commercial qui est, en tout cas pour l’instant, particulièrement visé par ces mesures: la Chine. Sur la côte ouest du Pacifique l’on a qualifié, sur un ton presque narquois, d’irréaliste le pari de l’indépendance, en rappelant que le degré actuel d’intégration globale des chaînes de valeurs (en particulier pour les secteurs technologiques) rend tout repli national impraticable à court terme. Le vieux continent, quant à lui, semble pour l’instant suivre la stratégie Atlantique. Ainsi, la présentation récente du « Digital Compass Plan » par la Commission a mis en avant de nombreuses mesures pour un retour à la « souveraineté digitale », comme par exemple l’objectif d’atteindre, d’ici 2030, 20% de la production mondiale de semi-conducteur sur le sol européen (soit le double du niveau actuel). Il est certainement trop tôt pour comprendre si nous assistons à un changement de trajectoire dans les perspectives d’intégration du commerce international. La question centrale reste, en Europe, de comprendre quelle posture sera adoptée par Biden. Face à un probable constat, dans le rapport qui lui sera soumis, d’une trop grande dépendance vis-à-vis de la Chine, va-t-il tenter de renouer une coopération atlantique pour la recherche et l’innovation ou imposera-t-il la relocalisation des entreprises sur le sol américain?
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